Bientôt Noël, et nous n’attendons rien que le massacre sans surprise des innocents. Bientôt l’an 2000 ! Il n’y a plus rien à attendre, et la nuit tombe. Chacun pour soi, maintenant, car le temps presse aux berges de l’histoire, plus rien ne peut le contenir, plus rien ne peut résister à son flot précipité. Tout va si vite que, pour avoir un peu de temps, il faut aller plus vite encore que le reste, plus vite que les autres. L’important n’est pas de savoir où l’on va, mais de pouvoir y aller très vite, avant tout le monde. Et tout le monde se hâte vers nulle part : c’est ce qu’on appelle la peur. Nous attrapons la nature à la gorge pour qu’elle nous donne vite tous ses fruits, et nous appelons cela croissance économique. Nous abattons nos adversaires avant qu’ils aient eu le temps de nous abattre, et nous appelons cela dissuasion stratégique. Nous faisons tout pour attraper le temps avant qu’il nous attrape, et c’est notre religion nouvelle. Mais de quoi a-t-on si peur ? Quelle est cette fuite hagarde et meurtrière dans laquelle nous serions prêts à marcher sur père et mère pour avoir un peu de temps d’avance ?