La lecture du Commentaire philosophique donne le sentiment d’une accumulation de motifs, de preuves, d’arguments, d’appuis hétéroclites, hétérogènes et parfois même contradictoires, et pourtant tous ordonnés à un plaidoyer pour la « tolérance »; et ce sentiment n’est pas sans réagir sur la forme même de tolérance ainsi visée. Cette observation d’un disparate des moyens et des formes de langage employés, on peut aussi se la faire à la lecture du Dictionnaire ou à celle des Pensées diverses, et elle est en quelque sorte avouée par Bayle lui-même[1]. Mon intention ici est de m’attacher à ce sentiment d’un disparate méthodique, pour tenter de ventiler, de distribuer les arguments ou les motifs employés, empiriquement, à partir de leurs ressemblances intrinsèques. On aurait pu le faire selon la pluralité des procédés rhétoriques ou des « genres » littéraires. Distinguer par exemple entre les argumentations (qu’elles fassent appel à la paisible raison des lumières naturelles ou cette logique de guerre qu’est l’obligation réciproque à la non-contradiction), les plaintes (lorsqu’il écrit « c’est une comédie de votre part et une tragédie pour nous »[2]), les récits (dont les recoupements servent à établir des faits indiscutables, mais dont la pluralité atteste comment chaque point de vue narratif est un point de vue putatif), les invocations à l’Evangile, à son esprit de douceur, etc.
J’ai préféré retenir la pluralité des postures éthiques induites par ces langages, ou par le maniement des arguments. En effet l’un des soucis constants de Bayle me semble avoir été de traquer l’absurdité du mal jusque dans le différend à son sujet. Parce que selon les points de vue, on ne voit pas le mal au même endroit, on trouve un irrémédiable différend quant au mal même, et un malheur ne saurait renvoyer les autres au silence sans faire du mal en plus. Et si l’histoire humaine, par chacune des vies à chaque époque, rajoute un chapitre inattendu à cette histoire pourtant sans surprise de l’universel malheur, c’est sans doute que la véhémence même de la riposte à la figure de l’horreur pour elle dominante peut engendrer de nouveaux malheurs. D’où la diversité des postures éthiques successivement adoptées par Bayle, comme si une morale unique risquait de devenir perverse, comme si seul un véritable pluralisme moral était à la hauteur de cette pluralité du mal. Ma distribution suivra le plan suivant. Première posture: le crédit à tout ce qui existe, la tendresse pour tout ce qui fut, pour tous les points de vue sur la vie et l’histoire, et surtout pour les plus petits, les plus éloignés. Deuxième posture: le respect pour la complexité du tissu narratif, la pluralité vivante et historique des voix. Troisième posture: la critique des sources, le recoupement des témoignages, chacun rapportés à son contexte historique. Quatrième posture: l’obligation de réciprocité, de ne pas faire à autrui ce que je ne voudrais pas qu’il me fasse. Cinquième posture: le sens du tragique, du dilemme déchirant, du conflit des légitimités. Sixième posture: la dérision comique, la possibilité de vivre dans le malentendu même. Septième posture: l’appel inconditionnel de l’Evangile compris comme l’effacement de tout souci de soi.
J’exposerai ces différentes postures avec à l’esprit deux questions en quelque sorte supplémentaires: est-il moral de soutenir un tel pluralisme moral, et à quelles conditions? Et peut-on soutenir quelque chose (la même chose, par exemple la tolérance, ou bien le sens critique du témoignage) par plusieurs argumentations hétérogènes voire contradictoires? La réponse à cette deuxième question suggère un élargissement de la pluralité des postures éthiques, au-delà de la problématique du mal, à la problématique entière de la justesse et de la vérité en histoire. Toutefois, si les postures observées correspondent bien à une sorte d’éthique de l’historien, aisément relevable dans le Dictionnaire, je retiendrai principalement les exemples plus directement moraux donnés par Bayle dans son Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ: contrains-les d’entrer. En poursuivant ces questions et en décrivant ces postures, on comprendra que c’est aussi mon propre problème que j’explore et que j’expose. C’est pourquoi j’appuierai le plus possible mon propos sur une lecture méditative de Bayle, sans prétendre pouvoir m’y effacer totalement.
1. Première posture: le crédit fait à la sincérité
On sent partout chez Bayle une sorte de crédit à tout ce qui existe, de tendresse pour tout ce qui fut, pour tous les points de vue sur la vie et l’histoire même les plus éloignés, les plus aberrants. On reviendra sur l’aspect compassionnel de cette bienveillance, mais je désigne ici d’abord le crédit fait à la sincérité, au fait très simple que chacun pour sa part désire ce qu’il croit être le bon, ne peut pas ne pas croire ce qu’il croit être le vrai (même si par ailleurs il ment), par une sorte de conviction intime que comporte tout témoignage. Ce thème premier est donc celui de la « conscience », qui revient sans cesse sous la plume de Bayle, et que l’on peut lire deux fois.
La première fois, cette attitude de confiance primordiale correspondra à ce motif de moralité qu’il existe une lumière naturelle, « la raison parlant par les axiomes de la lumière naturelle », une lumière vive, à la fois distincte et immédiate, pour peu que nous sachions imposer un peu de silence au brouhaha de nos préjugés et de nos passions:
« C’est qu’y ayant une lumière vive et distincte qui éclaire tous les hommes, dès aussitôt qu’ils ouvrent les yeux de leur attention, et qui les convainc invinciblement de sa vérité, il en faut conclure que c’est Dieu lui-même, la Vérité essentielle et substantielle, qui nous éclaire alors très immédiatement »[3].
Cette lumière est alors une « règle originale » sur laquelle on peut mesurer les doctrines, et qui est d’une certaine manière universelle, parce que native:
« Il s’ensuit donc que nous ne pouvons être assurés qu’une chose est véritable, qu’en tant qu’elle se trouve d’accord avec cette lumière primitive et universelle que Dieu répand dans l’âme de tous les hommes, et qui entraîne infailliblement et invinciblement leur persuasion, dès qu’ils y sont bien attentifs (…)[4] sans exception, il faut soumettre toutes les lois morales à cette idée naturelle d’équité qui, aussi bien que la lumière métaphysique, illumine tout homme venant au monde. Mais comme les passions et les préjugés n’obscurcissent que trop souvent les idées de l’équité naturelle, je voudrais qu’un homme qui a dessein de les bien connaître les considérât en général, et en faisant abstraction de son intérêt particulier, et des coutumes de sa patrie (…) je voudrais qu’un homme qui veut connaître distinctement la lumière naturelle par rappport à la morale, s’élevât au-dessus de son intérêt personnel, et de la coutume de son pays, et se demandât en général: Une telle chose est-elle juste, et s’il s’agissait de l’introduire dans un pays où elle ne serait pas en usage, et où il serait libre de la prendre, ou de ne la prendre pas, verrait-on, en l’examinant froidement, qu’elle est assez juste pour mériter d’être adoptée »[5].
Bien que native, cette lumière peut donc être obscurcie, et s’il faut une telle « abstraction » (je dirais une telle épochè et une telle fiction, un tel voile d’ignorance) pour dissiper « plusieurs nuages qui se mettent quelquefois entre notre esprit et cette lumière primitive et universelle », c’est que les humains sont plongés dans les ténèbres des passions et des préjugés. La pleine lumière naturelle, distincte et immédiate, native et universelle, se réduit alors à une toute petite clarté, mais irréductible, inextinguible, et sur laquelle nul ne peut porter la main ni le regard: la conscience. Si celle-ci se manifeste à la possibilité d’adopter une croyance ou une option alors même que l’on serait entièrement libre de ne pas l’adopter, simplement parce qu’elle est vraie, bonne ou juste, et qu’elle pourrait être telle dans n’importe quel pays, dans n’importe quel monde, alors on peut dire avec Bayle que les « droits de la conscience sont directement ceux de Dieu même »[6]. Il faut faire crédit à la conscience de chacun, même si elle est erronée, et pour en rester au plan éthique qui nous intéresse ici,
« qu’il n’y a point de bonté morale dans une aumône donnée contre le dictamen de la conscience (…) il faut de toute nécessité, pour que l’amône soit une bonne action, que nous la fassions parce que la raison et la conscience nous montrent que nous la devons faire »[7].
La conscience est ici relue une deuxième fois sur le mode mineur, comme une sorte de lumière indirecte, qui n’éclaire pas le sujet immédiatement, et sur laquelle lui-même ne saurait mettre la main: son sentiment sincère, il ne peut pas plus le commander qu’il ne peut à volonté avoir les yeux bleus ou bruns. C’est cette réserve, l’intention si profonde[8] que Dieu seul peut sonder, qui nous oblige éthiquement à faire crédit à cette sincérité, à cette cohérence ou à cette probité de chaque point de vue.
2. Deuxième posture: la pluralité narrative
Il n’y a pas de solution de continuité entre la première posture éthique attestée dans les écrits de Bayle et cette seconde, puisque cette dernière se fonde justement sur l’obligation de faire crédit, je dirai méthodiquement et par méthode éthique, à la sincérité de chaque point de vue narratif dans le partage des voix qui fait l’histoire humaine, sa quotidienneté et ses drames. Mais entre l’universalité d’une lumière native, même si elle est placée négativement comme une réserve en chacun qui ne saurait être forcée, et cette dispersion irrémédiable des langages, on change en quelque sorte de sujet: on ne cherche plus ce qui en lui résiste au préjugé ou à la passion, je dirais même ce qui l’empêcherait d’être éloquent. Au contraire, on s’attache aux êtres en tant précisément que ce sont des voix, des sujets emportés par une parole.
Le problème de l’historien critique, comme du pamphlétaire défendant l’idée de tolérance, est ici qu' »il nous plaît de donner de beaux noms à ce qui nous appartient, et des noms infâmes à ce qui convient aux autres »[9]. Ce qui chez nous est orthodoxie est hérésie chez l’autre. Ce qui chez nous est une preuve de constance, chez les autres en devient une d’opinâtreté. Et nos martyrs sont pour eux des fanatiques. Quant au blasphème:
« si on laisse les persécuteurs les maîtres de la définition du blasphème, il n’y aura point de blasphémateurs plus exécrables que les premiers chrétiens et les huguenots. Car il ne se peut rien dire de méprisant, de bas, et d’infâme, que les premiers chrétiens n’aient dit, sans garder nulles mesures, contre les dieux du paganisme, et l’on sait que les protestants (…) S’ensuit-il pour cela que les premiers chrétiens aient été des blasphémateurs dignes de mort, ou que les réformés le soient? Point du tout, parce qu’alors le blasphème n’est point défini par un principe commun à l’accusateur et à l’accusé, au persécutant et à celui qui le persécute »[10].
Et un peu plus loin, il propose la « comparaison entre un juif pillant le temple de Jérusalem et un païen pillant le temple de Delphes ». Dans la mesure où tous deux sont profondément assurés et convaincus d’avoir pillés le temple du vrai Dieu, aucun des deux n’est plus grâve ou plus offensant envers Dieu que l’autre[11]. Le sacrilège réside dans le concours entre une volition (qui anime l’acte) et une connaissance (ce que l’on croit être l’objet consacré, et que l’acte met en cause). Chacun de ces deux blasphémateur n’est tel que selon la cohérence de sa propre syntaxe, de son propre discours.
Il faut donc rapporter les faits et les significations, les « faits de valeurs » historiques, religieux, et moraux au point de vue narratif pour lesquels il s’agit bien de faits ou de significations accepté, établis et partagés par le milieu considéré, fût-ce putativement l’auditoire universel. On ne peut pas dissocier un jugement ni un acte de son histoire, de son langage, de l’ensemble des évaluations passées et qui sont en quelque sorte déposées dans l’usage en amont du fait étudié. On ne peut les comprendre sans faire état des représentations et des moeurs de ceux pour qui ce jugement ou cet acte ont leur plein sens. On ne peut les dissocier des positions adoptées ou imposées par l’histoire, car autre chose est d’être acteur, d’être victime, d’être spectateur, et il faut tenter de ressaisir ce qui s’est passé dans sa narration propre, avec son timbre de voix propre. Tout cela donne une mise en page et une mise en scène, chez Bayle, qui suppose une sorte d’écriture polycentrique, une capacité à ne pas se laisser captiver par une seule intrigue au détriment d’autres, plus faibles ou plus lointaines.
C’est bien là une seconde posture éthique. En insistant sur l’extrême diversité, sur l’extrême pluralité des visées du bien, des expériences du bon, on y découvre que tout le monde n’aime ni ne souhaite la même chose. Et si nos visées éthiques ne sont enracinées dans des formes de vie et de désir qu’à travers différents langages, traditions ou narrations, cela tient à l’enfance, à ce que l’on a bu avec l’enfance. C’est donc pour Bayle un argument de la tolérance que de devoir reconnaître qu’il y a dans les moeurs humaines des trainées d’enfance, quelque chose d’ensommeillé, de non-explicitable et de non-conscient, qui échappe à la lumière exposée en première posture. Il y a une part dogmatique en toute morale, que Bayle cherche à faire admettre à ses interlocuteurs en pointant la cohérence quasi-corporelle de chacun de ces points de vue, et leurs attaches enfantines. La prudence consiste ici à reconnaître que la morale ne pousse pas sur du vide, mais sur un sol de moeurs que l’on doit respecter et cultiver sans cesse, nourrir et rouvrir à la vie, c’est à dire au dialogue critique.
3. Troisième posture: la responsabilité objective des faits
La critique historique cependant ne se borne pas à exposer la diversité des intentions, des motifs et des vécus: le recoupement des témoignages permet de chercher à établir les faits. C’est que les actes et les discours s’autonomisent par rapport à leurs intentions et à leur signification initiales: qu’est-ce qu’ils ont fait, en réalité, qu’est-ce qu’ils ont fait faire et qu’est-ce qu’ils ont fait subir? Il s’agit ici d’observer les conséquences, les résultats, tout cela que les fins poursuivies, pour peu qu’elles fassent du bruit comme c’est souvent le cas, recouvrent trop aisément. C’est cette posture qu’adopte Bayle, me semble-t-il, quand il propose une
« cinquième réfutation du sens littéral par la raison qu’il ne peut être exécuté sans des crimes inévitables (…) Tout sens littéral qui enferme un commandemeent universel dont l’éxécution ne peut qu’être compliquée de plusieurs crimes, est faux. Or tel serait le sens littéral de ces paroles Contrains-les d’entrer. »[12]
Et Bayle poursuit en montrant, par une argumentation assez voisine avec les descriptions de La Rochefoucault, comment les actes, loin d’exprimer simplement les intentions antécédentes, réagissent sur celles-ci par une sorte de phénomène moralement déterminant et que j’appelle l' »effet chorégraphique »: l’acte modifie l’intention et parfois même engendre une intention nouvelle.
« il est aussi infaillible que les choses humaines le peuvent être, que tous les mauvais traitements que l’on commandera aux soldats, deviendront des péchés pour eux, parce qu’ils les exécuteront avec plaisir, et qu’ils en feront même plus qu’on ne leur en ordonnera. Chacun voit qu’un bourreau qui pend un homme innocemment, lorqu’il ne fait qu’obéir aux ordres de la justice, fait un péché manifeste contre la charité envers le prochain, lorsqu’il est bien aise de faire sa fonction, lorsqu’il se plaît à faire souffrir son patient, et qu’il cherche des adresses pour aggraver sa souffrance »[13].
Or cela est nécessaire et inévitable, infailliblement ces actes provoqueront de tels sentiments. Ne pas envisager ces conséquences au moment où l’on ordonne et justifie une action, c’est ne pas vouloir empêcher « que le monde ne devînt un coupe-gorge ». Et c’est pourquoi
« Un sens littéral qui jetterait toutes les parties du christianisme dans une guerre continuelle, sans fournir autre remède à ce grand mal que ce qui en sera prononcé à la fin du monde ne peut être véritable »[14].
Ainsi, au delà de cet exemple particulier, le fait que l’action et ses orientations s’inscrivent dans un contexte, comme une oeuvre dès lors mêlée à d’autres dans la durée, avec des conséquences qui lui échappent largement et qui débordent de ses intentions initiales, conduit à développer une éthique de la responsabilité, qui envisage les maux possibles, et qui prenne en compte le point de vue des victimes éventuelles de cet agir ou de ces choix : il s’agit de faire cohabiter dans le même monde des visions du monde diverses, en les obligeant à s’inscrire dans un contexte commun.
4. Quatrième posture, l’obligation de réciprocité
Avec l’obligation de ne pas faire à autrui ce que l’on ne voudrait pas que l’on nous fasse, on quitte le point de vue téléologique où compte la visée, l’intention, la sincérité, ou la conscience, pour passer au point de vue que nous appelons aujourd’hui déontologique, où la règle prime. Il n’est pas certain que Bayle aurait senti une telle différence morale entre ces positions, tant on le voit énoncer la sincérité même de la conscience dans la capacité quasi fictive à sortir de son point de vue, et tant la règle demande une cohérence hors laquelle il n’est point de sincérité possible. Mais ce qui intervient ici ne repose pas sur un mouvement de l’intentionalité: c’est l’intervention d’une règle à elle extérieure, et intangible. Pourquoi ce passage par la règle si ce n’est pour rétorquer à une faiblesse de la première posture, bien relevée par les adversaires de Bayle, et ainsi exposée par lui:
« La deuxième difficulté qu’on nous propose est qu’il s’ensuit de ma doctrine le renversement de ce que je veux établir; je veux montrer que la persécution est une chose abominable, et cependant tout homme qui se croira obligé en conscience de persécuter, sera obligé, selon moi, de persécuter, et ferait mal de ne persécuter pas »[15].
Ce que cette objection néglige, c’est l’insistance mise par Bayle sur ce qu’il appelle « la troisième réfutation du sens littéral, par la raison qu’il bouleverse les bornes qui séparent la justice d’avec l’injustice, et qu’il confond le vice avec la vertu, à la ruine universelle des sociétés »[16]. Voici en effet les conséquences si on adopte cet argument:
« Convenons donc qu’une chose qui serait injuste si elle n’était pas faite en faveur de la bonne religion, devient juste lorqu’elle est faite pour la bonne religion. Cette maxime est très clairement contenue dans ces paroles, Contrains-les d’entrer, supposé que Jésus-Christ les ait entendues littéralement; car elles signifient, battez, fouettez, emprisonnez, pillez, tuez ceux qui seront opiniâtres, enlevez-leur leurs femmes et leurs enfants; tout cela est bon quand on le pratique pour ma cause: en d’autres circonstances ce seraient des crimes énormes, mais le bien qui en arrive à mon Eglise purge et nettoie ces actions parfaitement (…) On voit sans que j’entre dans un détail odieux, qu’il n’y aurait point de crime qui ne devînt un acte de religion; les juges condamneraient à tort les hérétiques dans tous leurs procès, on volerait impunément les hérétiques et on leur manquerait de parole dans les affaires les plus importantes; on leur enleverait leurs enfants, on leur susciterait des faux-témoins, on débaucherait leurs filles… »[17].
Et tout cela dans la persuasion de faire le bien. Mais au-delà de cette falsification des bornes du juste et de l’injuste, voici le coeur de l’argument, qui tient à cette idée que le juste est ce qui peut être réciproque, sur un plan d’universalité possible, et que nosu ne pouvons refuser à quiconque la justification que nous nous sommes donnés:
« Ce ne serait pas le seul parti qui aurait droit dans le fond qui ferait tout ce beau manège; chacun se croirait en droit de le faire parce que chaque religion se croit seule véritable, ou du moins la plus véritable, et regarde les autres comme ennemies de Dieu (…) il en naîtrait entre autres ce grand inconvénient, que les rois et les souverains ne seraient jamais en sûreté, lorsque leurs sujets seraient d’une différente religion. Les sujets se croiraient obligés en conscience de les déposer, et de les chasser honteusement, s’ils ne voulaient pas abjurer leur religion, et ils croiraient en cela ne faire qu’une action très légitime »[18].
Et Bayle revient sans cesse sur ce point:
« On voit clairement par là que l’on ne pourrait blâmer ni l’insolence qui serait permise aux dragons, ni les emprisonnements, ni les amendes, ni les enlèvements d’enfants, ni aucune autre violence, parce qu’au lieu de discuter ces faits, et de les examiner à quelque règle commune de morale, il faudrait traiter du fond des controverses, examiner qui a tort ou qui a raison dans sa profession de foi. Cette affaire est de longue haleine, comme chacun sait; on n’en voit jamais la fin: de sorte que comme en attendant le jugement définitif du procès, on ne pourrait rien prononcer sur les violences »[19].
D’où l’on doit conclure que
« Ce devrait être un droit que l’on l’on devrait laisser dormir pour toujours, et ne se permettre que les mêmes actions qui sont permises à toute la terre »[20].
La « règle morale », orientée vers la justice et le respect de la dignité de chacun, se tient donc en dehors des opinions et des croyances. Elle tiendrait à la protection équitable de tous contre les mêmes maux: le détour d’une telle règle commune ne cherche pas à trancher sur le fond mais établit des procédures en quelque sorte coextensives au désaccord c’est à dire à l’histoire.
5. Cinquième posture, le sens du différend
De tout ce qui précède, on comprendra aisément que Bayle ne croit pas que l’on puisse si aisément s’installer de plain-pied dans un consensus planétaire lumineux, au-dessus de nos obscurs conflits. Quand il écrit « c’est une comédie de votre part et une tragédie pour nous », il dévoile les bases d’une situation morale fondamentale, avec laquelle il nous faut faire sans cesse, et qui est due à l’étroitesse du point de vue de chacun, son insubstituabilité, sinon même à la méchanceté humaine. Car ce qui aggrave nos conflits, c’est le fait que, comme il écrit: « l’homme aime mieux se faire du mal pourvu qu’il en fasse à son ennemi, que se procurer un bien qui tournerait au profit de son ennemi »[21].
C’est pourquoi nous sommes dans les ténèbres, comme irrémédiablement plongés dans la guerre, la seule chose vraiment commune à l’humanité.
« D’où vient, je vous prie, qu’encore qu’il y ait parmi les hommes une prodigieuse diversité d’opinions touchant la manière de servir Dieu et de vivre selon les lois de la bienséance, on voit néanmoins certaines passions régner constamment dans tous les pays, et dans tous les siècles? Que l’ambition, l’avarice, l’envie et le désir de se venger, l’impudicité et tous les crimes qui peuvent satisfaire ces passions se voient partout? Que le Juif et le Mahométan, le Turc et le Maure, le Chrétien et le l’Infidèle, l’Indien et le Tartare, l’habitant de terre ferme et l’habitant des Isles, le Noble et le Roturier, toutes ces sortes de gens qui dans le reste ne conviennent pour ainsi dire que dans la notion générale d’homme, sont si semblables à l’égard de ces passions, que l’on dirait qu’ils se copient les uns les autres »[22].
Cette situation tragique exige de nous un peu plus de sagesse, de renoncement à prétendre trancher dans les dilemmes déchirants, de capacité à accepter non seulement les droits de la conscience qui est dans l’erreur parce que toute conscience l’est peut-être, mais à voir que nos moeurs légitimes varient d’une contrée à l’autre. Ainsi l’enquête éperdue d’une justice vraiment universelle, par pessimisme quant à la définition commune de la justice ou quant à la possibilité de trouver des cas semblables auxquels appliquer la règle commune, peut montrer, avec un sens shakespearien du tragique, combien les injustices sont hétéroclites, irréductibles à une injustice ou à un malheur général, et intraitables, impossibles à combattre ensemble. Le tort éprouvé par l’un pourra être tenu pour négligeable par un autre qui estimera pour sa part que les vrais torts sont ailleurs. Il ne faut donc pas croire trop vite que l’on se comprend, ni même que les règles consenties ensemble aient la même signification pour les uns et les autres. D’où cet effet moral de sagesse et d’humilité que Bayle avoue rechercher au travers de son Dictionnaire:
« Vous voyez Monsieur que les plus petites faussetés auront ici leur usage puisque par cela même qu’on rassemblera un grand nombre de mensonges sur chaque sujet on apprendra mieux à l’homme à connaître sa faiblesse, et on lui montrera mieux la variété prodigieuse dont les erreurs sont susceptibles. On lui fera mieux sentir qu’il est le jouet de la malice et de l’ignorance ; que l’une le prend quand l’autre le quitte : que s’il est éclairé pour connaître le Mensonge, il est assez méchant pour le débiter contre sa conscience ; ou que s’il n’est pas assez méchant pour débiter ainsi le Mensonge, il est assez rempli de ténèbres pour ne pas voir la vérité. En mon particulier, quand je songe que peut–être je me ferai une occupation fort sérieuse toute ma vie de ramasser des matériaux de cette sorte d’arcs de triomphe, je me sens tout pénétré de la conviction de mon néant. Ce me sera une leçon continuelle de mépris de moi–même. Il n’y a pas de Sermon, non pas même celui du Prédicateur, ou de l’Ecclésiaste par excellence, qui me puisse plus fermement tenir collé à cette grande maxime : j’ai regardé tout ce qui se faisait sous le soleil, et voilà tout est vanité et rongement d’esprit. Voilà comment je suis entêté de mon Ouvrage. J’en dirai plus de mal en moi–même que personne, et j’en estime plus cette circonstance que tout le reste »[23].
6. Sixième posture, le retournement comique
Qu’est-ce qu’un convertisseur? Il est arrivé au mot de convertisseur la même chose qu’à celui de tyran et de sophiste[24], car il devait originairement signifier une âme véritablement zélée pour la vérité, et désormais il désigne
« un homme qui cherche à expier, en faisant souffrir les autres, ses impudicités passées et à venir »[25].
Outre sa finesse psychologique, cette boutade est exemplaire du style burlesque de Bayle, qui comporte une dimension éthique que l’on peut à son tour considérer comme centrale chez lui. L’ironie ici consiste d’abord dans le « dévoilement »: c’est le même qui punit les autres et qui est justement le méchant. Ce sens des métamorphoses humaines caractérise sans doute l’esprit comique, capable de dévoiler le coupable dans la victime, mais aussi la victime dans le coupable. Car c’est également le coeur de cette démarche de rétorsion, par laquelle Bayle s’en prend à Augustin, ce même personnage qui blâme chez autrui ce qu’il canonise pour son parti:
« il dit dans cette maxime qu’il est honteux, pernicieux, et extrêmement à fuir, qu’un chrétien se mêle de parler des choses, selon ses principes, en présence des infidèles, avec tant d’impertinence que les païens ne puissent se tenir de rire. Comment n’a-t-il pas vu qu’il s’exposait à la risée des païens lorsqu’il soutenait que Dieu autorise dans sa parole les persécutions de religion; en effet il n’y a rien de plus insensé que de blâmer en autrui les mêmes actions que l’on canonise lorsqu’on les fait soi-même »[26]
Cette rétorsion comique était celle même que nous avions observée à propos de la démonstration par le ridicule, où l’adversaire pourrait dire la même chose, et où tous les partis pourraient mourir de rire à entendre l’un d’eux prétendre être le seul véritable. C’est également celle qu’il utilise dans son « éclaircissement sur les obscénités » quand il relève la « tartufferie », l’hypocrisie dévote de ceux qui voient la paille dans l’oeil de leur voisin sans voir la poutre qui est dans le leur. C’est enfin ce retournement moqueur par lequel Bayle épingle ceux qui se rendent célèbres en écrivant des livres contre la réputation[27]. La dérision comique a une fonction de salubrité éthique parce qu’elle montre l’universel malentendu où nous plonge la diversité de nos désirs, de nos peurs, de nos langages, de nos règles. Le comique réside dans la relativisation, une manière de retournement où l’on propose en modèle ce qui est petit, ce qui ne prétend plus être bon ni juste. Dès lors on ne cherche plus à justifier ni à généraliser, on sait que tout est complexe, on bricole des compromis provisoires.
7. Septième posture, la douceur évangélique
Une dernière figure de la sagesse, si l’on peut dire, apparait avec l’appel inconditionnel de l’Evangile, qui ne me semble pas être ici une formule pieuse ou convenue mais une forme extrême de lucidité: la pure sollicitude, le dévouement silencieux à l’autre que soi, l’abnégation, l’effacement de tout souci de soi. C’est ce qui apparaît par exemple au chapitre III de la première partie du Commentaire philosophique, avec la « seconde réfutation du sens littéral, par la raison qu’il est contraire à l’esprit de l’Evangile »:
« Je remarque en second lieu que le principal caractère de Jésus-Christ, et la qualité pour ainsi dire dominante de sa personne, a été l’humilité , la patience, la débonnaireté. Apprennez de moi, disait-il à ses disciples, que je suis débonnaire et humble de coeur. Il est comparé à un agneau qui a été mené à la boucherie sans se plaindre: Il dit que bienheureux sont les débonnaires, les pacifiques et les miséricordieux. Quand on lui a dit des outrages, il n’en rendait point, mais s’en remettait à celui qui juge justement (…) Il faudrait copier presque tout le Nouveau Testament, si l’on voulait pporter toutes les preuves qu’il fournit de la bonté, de la douceur et de la patience, qui font le caractère essentiel et distinctif de l’Evangile »[28].
Dans la Remarque C de l’article Pyrrhon, et dans la petite note 26 en marge de cette remarque (« c’est à dire en nous disant qu’il nous faut renaître »), Calvin dit–il nous montre que nous ne pouvons recevoir la grâce sans que notre première nature ne soit abolie, et tant que notre conscience ne s’est pas vidée d’elle–même. Bayle écrivait ailleurs sur le même sujet: « Ils ne seront jamais capables, ni les Dogmatiques, ni les Sceptiques, d’entrer au Royaume de Dieu, s’ils ne deviennent des petits enfants »[29]. Le « ne pas juger » des petits enfants est tout autre chose que le silence perplexe du sage, quelque chose de plus simple et immédiat. C’est cet abandon à la grâce de Dieu qui efface tout jugement dans l’amour.
Et puis le sentiment que toutes les consciences sont au fond errantes et abandonnées soulève une sorte de compassion inconditionnelle. Inconditionelle parce qu’on n’y cherche pas à tenir compte des conséquences, des circonstances ni des qualifications des êtres rencontrés. Compassion dans un sens déjà proche de Rousseau, mais aussi de Schopenhauer. Bayle, dans la Remarque B de l’article Pyrrhon où il fait discuter deux abbés dont l’un bon philosophe, va jusqu’à mettre en cause l’identité des interlocuteurs au nom même de le conservation des créatures par une création continuelle:
« Qui vous a dit que ce matin Dieu n’a pas laissé retomber dans le néant l’âme qu’il avait continué de créer jusques alors, depuis le premier moment de votre vie? Qui vous a dit qu’il n’a pas créé une autre âme modifiée comme était la vôtre? Cette nouvelle âme est celle que vous avez présentement »[30].
Lorsqu’il écrit cela, l’argument est pyrrhonien dans son usage éristique, mais ce qui l’anime c’est ce doute de compassion, par lequel soudain l’on fait moins de différence entre soi–même et un autre, qu’entre soi et soi à un autre moment de sa vie.
Pour achever, je voudrais revenir sur mes deux questions supplémentaires: 1) Est-il moral de soutenir le pluralisme moral? 2) Peut-on soutenir quelque chose (par exemple la tolérance) par plusieurs argumentations hétérogènes?
La première question pourrait être écartée au motif qu’il n’y a pas de véritable pluralisme moral dans ce que nous avons exposé. Nous avons distingué arbitrairement dans un continuum qui est simplement la gamme unique sur laquelle la voix de Bayle s’exprime. Il y a partout le même timbre, le même ton, et chacune de ces postures comporte une incomplétude qui la renvoie à chacune des autres. Cela est probable, mais le sentiment initial de disparité, d' »étrange bigarrure »[31], ne doit pas être négligé pour autant. Car le problème de la cohérence morale a dû se poser à Bayle qui ne pouvait manquer de percevoir l’écartement entre les postures sous lesquelles ses différents arguments s’exposaient. Il est possible qu’il ait senti que chacune de ces postures, prise indépendamment des autres et comme régissant à elle seule l’entièreté de la morale, pouvait avoir des effets pervers, car Bayle semble attaché à montrer que toute grandeur a ses bassesses, et que les meilleures choses peuvent tourner au pire. La diversité méthodique des postures morales adoptées serait alors un moyen de corriger les excès des unes par les autres. Allons plus loin: sur cette base on pourrait imaginer que chacun de nous développe un style éthique spécifique qui correspondrait à la dispersion de son « profil » sur une telle gamme d’attitudes possibles. Il y aurait alors une cohérence qui ne serait pas seulement la cohérence existentielle de la sincérité ou de la probité, ni la cohérence pragmatique de la non-contradiction sous les feux de la réciprocité, mais l’invention à plusieurs d’une cohérence nouvelle, qui puisse supporter la pluralité. Et autant Bayle s’oppose à Leibniz dans la compréhension théorique du mal, autant on peut dire qu’ils visent une chose très semblable, dans ce désir d’augmenter la compossibilité du monde, sa densité en singularités, en pluralité, en tolérance réciproque des points de vue. C’est en ce sens qu’il est moral de soutenir le pluralisme moral.
Cette approche dispersée du bon, du juste ou du préférable n’est donc pas sans réagir sur la forme même de tolérance ainsi visée. Car peut-on soutenir quelque chose comme la tolérance par plusieurs argumentations hétérogènes? Bayle, apparemment très conscient des objections soulevées par chacune des postures sous lesquelles il argumente, la lumière naturelle de la conscience, les règles minimales de coexistence possible, la douceur évangélique, cherche à en montrer la cohérence complexe sur un plan qui échappe à chacun d’eux pris isolément. Mais cette cohérence ne fait pas système, théoriquement. C’est une cohérence pratique, dont le postulat méthodique et éthique est le suivant: chaque posture doit être considérée comme un témoignage à quelque chose qui la dépasse. C’est dire que chaque posture ne saurait être validée ou éprouvée dans la logique du vrai, du faux et du tiers exclu. Mais c’est dire également qu’aucune d’entre elles ne peut se tenir dans l’arbitraire de sa suffisance. Nous sommes dans l’entre-deux du « témoignage », auquel Bayle a consacré une attention que l’on connait bien par ailleurs. La non-contradiction morale réside ici dans le recoupement de plusieurs formes de témoignage, qui permet à chacun d’en tolérer, et même d’en souhaiter, d’en appeler à d’autres, devant lesquels tour à tour chacun s’incline.
Olivier Abel
Publié dans La raison corrosive, études sur la pensée critique de Bayle,
sld I.Delpla et P. de Robert, Paris : Champion, 2003.
Notes :
[2] Ce que c’est que la France toute catholique Paris: Vrin, 1973, p.64.
[3] Pierre Bayle, De la tolérance, commentaire philosophique, Paris, Presses pocket Agora, 1992, p.88. On pense à la fameuse formule johannique: « la vérité vous affranchira »; la vérité ici comme étant ce que l’on peut croire absolument librement.
[4] Bayle réduit alors la portée de cette observation aux vérités pratiques et morales, à l’exclusion des vérités spéculatives, où nous pouvons nous égarer, de même que plus loin il cherche les précautions à prendre, tant la persuasion des passions et de la coutume peut se faire aisément passer pour une telle lumière.
[5] Commentaire philosophique, op.cit. p.89-90.
[6] ibid., p.129.
[7] ibid., p.287. Et parce « que la conscience erronée doit procurer les mêmes appuis à l’erreur que la conscience orthodoxe à la vérité », il faut avouer: « 1. Que la volonté de désobéir à Dieu est un péché. 2. Que la volonté de désobéir au jugement déterminé et arrêté de sa conscience, est la même chose que vouloir treansgresser la loi de Dieu. 3. Par conséquent que tout ce qui est fait contre le dictamen de la conscience est un péché » (ibid. p.291)
[8] C’est l’intention qui fait la moralité, et « vouloir remuer le bras, dans le moment que l’on croit que son mouvement sera suivi de la mort d’un homme, fait toute l’essence de l’homicide. Le reste, savoir qu’un tel homme ne soit pas réellement tué, ou soit tué… » (ibid.p.303).
[9] ibid., p.192.
[10] ibid., p.278. Bayle poursuit en prenant la défense de Servet contre le Sénat de Genève, qui tenait pour blasphème ce qui ne l’était pas pour Servet.
[11] ibid., p.305; et page 306, Bayle va jusqu’à parler de « ces dieux de merde dont nous parlent si souvent les prophètes », et il poursuit l’ironie, parlant toujours des dieux païens pour pousser sa comparaison, en disant: « que du reste Apollon soit une chimère, cela n’y fait rien; car le grec n’ayant nulle connaissance de cette qualité chimérique d’Apollon… »
[12] ibid., p.132.
[13] ibid., p.136-137.
[14] ibid., p.171.
[15] ibid., p.311. Dans cette idée on pourrait même persécuter plus fort pour augmenter les conversions, observe Bayle, qui s’étonne malicieusement de la retenue des dragonnades.
[16] ibid., p.111.
[17] ibid., p.114-115.
[18] ibid., p.115-116.
[19] ibid., p.173. A la page suivante Bayle énumère ces « principes communs aux deux parties, tels que sont les maximes de la morale, les préceptes du Décalogue, de Jésus-Christ et de ses apôtres, touchant l’équité, la charité, l’abstinence du vol, du meurtre, des injures du prochain ».
[20] ibid., p.359.
[21] D2 p.1211 (Dissertation sur le Projet d’un Dictionnaire Critique). Le Dictionnaire Historique et Critique sera cité, avec le nom de l’Article et la lettre de la Remarque, dans la choix d’articles édité par E.Labrousse, Hildesheim–New York: Georg Olms Verlag, 1982, en deux volumes (ici D1 et D2).
[22] Et il continue: « D’où vient tout cela, sinon de ce que le véritable principe des actions de l’homme (j’excepte ceux en qui la grâce du Saint Esprit se déploie avec toute son efficace) n’est autre chose que le tempérament, le goût que l’on contracte pour certains objets, le désir de plaire à quelqu’un, une habitude gagnée dans le commerce de ses amis, ou quelqu’autre disposition qui résulte du fond de nature, en quelque pays que l’on naisse, et de quelques connaissances que l’on nous remplisse l’esprit » (PD 2 p.11–12). On a ainsi les véritables motifs de moralité et d’immoralité humaine.
[23] Dissertation sur le Projet d’un Dictionnaire Critique, D2 p.1217.
[24] Commentaire philosophique op.cit. p.48.
[25] ibid., p.49.
[26] ibid., p.171. Les termes indiquant un éclat de rire, c’est à dire exactement le relevé d’une impertinence, abondent: c’est « une farce », « se moquer du monde », « ridicule » (par exemple de raisonner en supposant ce qui est en question).
[27] D1, Préface, p.X.
[28] Commentaire philosophique, op.cit.p.107-108.
[29] « Eclaircissement sur les pyrroniens », D2 p.1236. E.Labrousse montre aussi comment Bayle se rapproche « des expériences de son enfance », et notamment de ce sentiment d’une bonté toute puissante de Dieu à laquelle il se confie (op.cit.p.352).
[30] Article Pyrrhon, Remarque B, D2 p.915.
[31] PC 2 CCLXII, p.310.