Olivier Abel : Quel est le fil conducteur qui conduit de l’essai sur le mal politique au dernier ouvrage sur le dépérissement de la politique? J’ai une proposition de réponse, il en faut une, car c’est une vraie question: c’est ce petit filet, sans doute marginal, de la référence au livre de Hannah Arendt sur les sombres temps, comme si le dépérissement de la politique était dû à ce poids d’un malheur excessif, dans lequel justement on est tenté de penser le politique comme ce qui doit nous permettre de nous libérer de la politique, de sortir du monde à cause du malheur. Ton projet serait alors de nous accoutumer à voir le politique là où on ne le voit pas, et de partager la difficulté, non seulement de partager le malheur, mais de partager le bonheur et c’est peut-être la chose la plus difficile.
Myriam Revault d’Allonnes : Oui, j’irai tout à fait dans ce sens-là, en l’exprimant en des termes un peu différents. Dans Ce que l’homme fait à l’homme, j’ai poussé jusqu’à son point extrême l’aspect tragique, la part maudite du politique, non pas du tout le mal absolu, parce que ce n’est pas du tout ce à quoi je crois, mais le mal radical de la politique pour parler en termes kantiens. Ce poids du malheur, ce rapport au malheur, est d’abord pour moi une expérience personnelle: je suis une enfant de survivants puisque toute ma famille a péri dans des camps. Mon histoire personnelle m’a évidemment poussée à réfléchir là-dessus. Plus largement, le poids du malheur, c’est l’expérience totalitaire, qui est le mal du siècle. Mais dans Le dépérissement de la politique, il y a un mouvement de reconstruction. Au fond, c’est le même type de rapport qu’il peut y avoir chez Hannah Arendt entre Les origines du totalitarisme, et La condition de l’homme moderne . J’ai résisté à l’idée que l’expérience totalitaire serait le point ultime ou l’aboutissement du politique: je pense que c’est son oubli, sa négation, son occultation. Il y a donc un travail à la fois de résistance et de reconstruction à opérer, dans des conditions qui sont difficiles, spécifiques de la modernité, avec un certain nombre de problèmes extrêmement précis à affronter, avec des outils conceptuels dont nous ne disposons probablement pas encore, parce qu’il y a toutes sortes d’événements face auxquels nous sommes relativement démunis du point de vue de l’intelligibilité, et donc de la capacité. Et puis il est vrai que je suis poussée par le fait, comme le dit Arendt, que partager de la joie est plus important que partager de la souffrance. Comme si cette dette envers mes ascendants anéantis, je devais l’énoncer sous la forme d’un travail de reconstruction.
Olivier Abel : Dans cette généalogie du lieu commun d’un dépérissement de la politique, nous arrivons à un paradoxe: c’est au moment où la démocratie fait le plus grand consensus que l’on observe le triomphe du dépérissement de la politique, remplacée par des tas d’autres candidats, l’organisation, l’identité, la morale, le droit ou le discours de la radicalité politique. Qu’est-ce que cela nous enseigne sur la démocratie? Et d’autre part, ta thèse finale de dire que la politique est dans le temps, dans la finitude, qu’elle est fragile et que cette faiblesse n’est pas du tout son dépérissement, mais au contraire, sa condition même: comment peut-on penser cette démocratie triomphante et la reconstruire à partir du sentiment de sa fragilité?
Myriam Revault d’Allonnes : D’abord effectivement il y a une espèce de rencontre pour énoncer le dépérissement de la politique, entre la philosophie et l’opinion commune, qui pourtant sont rarement d’accord. En général, il y a une opposition entre la vérité et l’opinion. En ce qui concerne la politique, la tendance de la philosophie est de n’avoir jamais considéré la philosophie politique comme autre chose que l’application à un domaine déterminé de la philosophie générale. Les concepts fondamentaux étaient ceux de vérité, de maîtrise, de souveraineté, et la politique était minorée. En même temps, ce dépérissement de la politique se retrouve du côté du sens commun, parce qu’il est constamment du côté des attentes déçues, du côté des espérances démesurées que l’on mettait dans la politique pour résoudre des problèmes qu’elle ne pouvait pas à résoudre. D’où l’idée que les figures de substitution qui sont intervenues, l’économie, la philosophie de l’histoire en lieu et place de la philosophie politique, la moralisation de la politique, la religion. L’idéologie totalitaire ne se réduit pas à cela, mais c’est encore une dogmatique de la rédemption puisqu’il s’agit de changer l’homme, de le sauver.
Ce qui est très intéressant aussi c’est l’expression même de dépérissement; le mot est issu du texte de Lénine sur Le dépérissement de l’État,: mais on dit qu’un corps vivant dépérit, qu’un organisme dépérit, qu’une plante dépérit. C’est comme si la politique était malade. Et ce que j’oppose à ce dépérissement, c’est quelque chose qui est de l’ordre de la temporalité démocratique, c’est-à-dire l’inscription dans la finitude, la fragilité de la démocratie et l’acceptation de cette fragilité qui est celle même des conditions de l’action.
Mais venons-en à la coïncidence troublante qu’il y a entre cette espèce de consensus mou sur la démocratie et le discours sur le dépérissement de la politique. On peut l’éclairer par la différence avec la démocratie grecque. Les Grecs, qui ont inventé la démocratie, sous la forme de la délibération, de l’isonomie, n’ont jamais exalté la démocratie, c’est ce qui est extraordinaire. Ils l’ont soumise à des critiques extrêmement féroces. C’est-à-dire qu’à la fois ils ont inventé quelque chose d’absolument fondamental et ils n’ont jamais cessé d’en faire la critique; non seulement les anti-démocrates, mais les défenseurs eux-mêmes de la démocratie. Il y a par exemple cet extraordinaire dialogue dans Le Protagoras de Platon, entre le sophiste Protagoras et Socrate: c’est une discussion d’une grande modernité sur la compétence politique du peuple à se gouverner. Socrate dit: nous savons que les Athéniens sont des gens extrêmement sages, avisés, puisque, par exemple, quand il s’agit de prendre une décision dans des matières d’ordre technique, de construire des navires, des bâtiments, ils font appel à des spécialistes, et suivent les avis des spécialistes. Mais quand on est sur l’agora, à l’assemblée du peuple, on a une chose absolument effarante, dit-il, c’est que n’importe qui, n’importe quel imbécile se lève, qu’il soit pauvre ou riche, qu’il soit cultivé ou inculte, et il donne son avis: la démocratie, c’est le principe du n’importe quoi. Et Protagoras répond quelque chose d’extraordinaire, par le célèbre mythe où Epiméthée a distribué à toutes les espèces animales les dons qui leur étaient nécessaires, et puis il a oublié l’homme… Il ne reste rien. Alors Prométhée vole le feu et les moyens techniques pour permettre aux hommes de survivre. Mais ces instruments techniques ne sont pas encore des outils politiques puisqu’ils ne permettent pas aux hommes de se rassembler en cités. Et Zeus envoie le dieu Hermès pour donner à tous les hommes et de façon également répartie deux dons ou dispositions, qui sont d’un côté la pudeur, l’estime de soi, et de l’autre côté, l’estime de l’autre, la justice. Protagoras ajoute: tous les hommes ont en eux ces dispositions également réparties, mais elles ne seront pas actualisées de la même façon. Cela veut dire que cette disposition politique n’empêche pas la faillibilité, mais permet la capacité de juger. Donc le citoyen n’a pas besoin d’être un expert. C’est un texte absolument magnifique, car ce mythe de Protagoras, surtout la fin, est une sorte de représentation emblématique de la démocratie et de ce que j’appellerais la fragilité démocratique.
Olivier Abel : Ce qui est intéressant dans ce mythe, c’est qu’il faut bien qu’il y ait quelque chose qui nous autorise à être fragile, il va falloir un mythe, qui raconte pourquoi on est fragile et pourquoi c’est notre condition et non pas une maladie…
Myriam Revault d’Allonnes : Oui, il y a une véritable angoisse devant la fragilité. Et cette angoisse est partagée aussi bien par une certaine tendance de la philosophie à tabler sur la vérité seule et du sens commun, et c’est ce qui engendre des attentes démesurées, des espérances démesurées, et c’est l’expérience totalitaire. C’est ce type d’espérance qui s’est complètement effondré… et cela nous met dans une période de crise, parce que la démocratie n’a plus rien d’autre en face, elle n’a plus d’alternative, plus de débat.
Alors que lorsqu’on dit démocratie, on dit cinquante choses: un type de régime, la démocratie représentative, la défense des droits de l’homme, et la normativité éthique, Il faudrait aussi travailler sur ces différents niveaux…
Par exemple, la normativité éthique de la démocratie ne va pas de soi, n’est pas donnée de soi, et n’est pas exactement la même chose que la défense des droits de l’homme. Cela suppose une réélaboration de la défense des droits de l’homme, et j’ai trouvé que ce qui se passait au Kosovo était tout à fait extraordinaire de ce point de vue là; on a rarement vu des événements qui nous obligent au fond à modifier, remodeler, à retravailler nos catégories.
Myriam Revault d’Allonnes : Le débat, en France, a été extrêmement violent. D’un côté les défenseurs de la souveraineté étatique, et d’un autre côté les défenseurs de la morale humanitaire, et moi je trouvais que le problème était mal posé. Parce que le problème des droits de l’homme, c’est aussi et d’abord un problème politique, et que si on ne donne pas un fondement politique à la question des droits de l’homme, on ne peut pas établir la normativité de la démocratie, qui n’est pas simplement une normativité éthique, mais d’abord une normativité politique.
Olivier Abel : Parmi les différentes figures du dépérissement du politique dans la deuxième partie du livre, tu introduis la polarité de l’ami et de l’ennemi. Est-ce qu’on pourrait repenser politiquement et non pas justement en faire une figure apolitique, une des figures de l’apolitisation, comme fonctionne la mafia. La mafia c’est les amis, puis les amis des amis, et les ennemis de mes amis …
Myriam Revault d’Allonnes : C’est un modèle familial, ce n’est pas un modèle politique. Dans la guerre à laquelle doit penser la démocratie, il y a des ennemis, et il faut les vaincre, mais il ne faut pas les anéantir. L’expérience des guerres du 20ème siècle montre que ces guerres d’anéantissement ne consistent pas simplement à vaincre l’ennemi, ou l’adversaire, c’est plus démocratique comme terme, mais à l’anéantir totalement. Je m’élève contre la radicalité politique, parce que je pense que ce sont des gens qui fonctionnent uniquement avec la catégorie ami/ennemi et qui ignorent totalement ce que les Grecs appelaient l’agon. le conflit honoré entre les adversaires. Vaincre un ennemi et anéantir un ennemi, ce n’est pas la même chose. Et dans la guerre, il n’est pas sûr qu’il y ait le rapport ami/ennemi: on a des alliances plutôt que des amitiés. Et puis la politique, la cité, ce n’est pas la famille. C’est le début de la Politique d’Aristote, la spécificité du pouvoir politique: celui qui gouverne, le chef politique, ce n’est ni le maître d’esclaves, ni le père, ni le despote, cela veut dire que la communauté politique n’est pas une communauté familiale. Et je suis très opposée à tout ce qui pourrait au fond tirer la communauté politique du côté de la famille. Arendt dit que les citoyens ne sont pas obligés de s’aimer. Les Grecs élaborent leurs catégories d’une manière absolument binaire, d’un côté il y a le public, c’est-à-dire tout ce qui est de l’ordre de la cité; c’est tout ce que les citoyens partagent, quand ils se réunissent, prennent des décisions, quand ils sont réunis dans le cadre de la cité comme des hommes libres et égaux; et puis le privé, c’est le domaine domestique, le domaine de la maison, le rapport entre les parents et les enfants, entre le mari et la femme, entre le maître et les esclaves, et puis le privé c’est aussi tout ce qui est lié aux tâches de subsistance, à la nécessité vitale, à la satisfaction des besoins. Ce qui fait que les Grecs ignorent complètement un concept qui est apparu avec la modernité, celui de société civile. Ils n’utilisent jamais ce terme, d’ailleurs quand Aristote dit l’homme est un animal politique doué de raison, le premier contresens qu’on a fait au Moyen Age c’est de traduire animal politique par animal socialis. Avec la modernité est apparu un domaine qui est celui de la société civile qui est à la fois public et privé, ou qui n’est ni tout à fait public ni tout à fait privé. Il y a d’ailleurs une analyse chez Hegel de la société civile où il dit (contre Marx (qui appauvrira beaucoup le concept de société civile en disant que la société civile concerne la sphère du besoin), que c’est là où se développent aussi des types d’échanges qui sont par exemple de l’ordre de la culture, du juridique, de tout ce qui est la formation, l’éducation. Or j’ai l’impression que l’une des pistes qui est donnée en ce moment à l’élaboration de la démocratie, c’est de voir comment la société civile dessine de nouvelles formes du politique. Prenons des problèmes extrêmement précis: le PACS, qu’on soit d’accord ou pas, le débat émane de la société civile, on ne peut pas dire que c’est un problème politique, mais c’est un problème qui est lié à l’existence de la société civile. Les problèmes liés à l’exclusion, à la violence dans les banlieues, ne sont ni des problèmes strictement économiques, ni strictement juridiques. Ce sont des problèmes qui émanent de la société civile. Donc je crois qu’il y a ici quelque chose qui est à élaborer à partir d’une perception élargie du politique. Et cela a été la grande erreur du marxisme que de partir justement de l’appauvrissement de la société civile sous la forme d’une société des besoins et de ne pas voir ce que Hegel avait pressenti d’une façon extraordinaire. Il y a des passages de Hegel qui sont inimaginables dans La philosophie du droit, où il dit qu’il n’est pas sûr que l’État va arriver à résoudre les problèmes de la fracture sociale. Ses termes sont étonnants, même s’il y a quelque chose chez Hegel que nous ne pouvons plus accepter, sa philosophie de l’histoire, dans la mesure où elle se substitue à la philosophie politique.
Mais Hegel n’est pas un libéral, il fait une critique extrêmement féroce du libéralisme qui ne nous permet pas d’accéder à ce qu’est une communauté politique. Et le problème que pose Hegel et que nous avons encore à nous poser, c’est comment établir la relation entre l’individu et la communauté. La correction qu’il faut apporter à Hegel, c’est de penser que les médiations politiques ne peuvent être que des médiations imparfaites, réaménageables, fragiles, qu’on ne peut penser que dans la temporalité.
Olivier Abel : Imprévisibles d’une certaine manière, et donc on ne peut pas reconstruire a posteriori comme ayant été un développement continu, un processus . Tu insistes beaucoup sur ces dangers du « processus », comme si c’était une catégorie apolitique…
Myriam Revault d’Allonnes : Oui, car le processus est une catégorie presque organique, biologique. Dans cette critique, je suis évidemment très proche d’Arendt, même s’il y a des domaines où j’ai pris beaucoup de distances par rapport à Arendt, et où d’une certaine façon je reviens à Hegel, parce qu’Arendt a méconnu tout ce qui pouvait provenir comme innovation à partir de la société civile.
Olivier Abel : Avec les modernes, apparaît la figure, ou plutôt la toile de fond, de la guerre civile; Et celle de l’individu mû par les passions. Est-ce que le problème de la démocratie maintenant n’est pas d’articuler une passion de l’égalité, de se comparer, ce qui peut aller jusqu’à la rivalité, et une passion de se distinguer, de différer. Pour moi c’est un grave problème politique, parce que si le partage du bonheur ne rencontrait pas le risque de l’envie, ou de la vanité, ce serait tellement facile!
Myriam Revault d’Allonnes : Oui, ce serait trop facile! Justement c’est une question passionnante, et il faut travailler sur les passions démocratiques. Je voudrais évidemment partir de Tocqueville, de Rousseau aussi, et travailler sur le couple colère/pitié, comme couple anthropologique. Parce que la pitié, c’est fondamental pour l’âge moderne, se développe avec la conscience universelle de l’humanité. Et d’un autre côté la colère est la passion politique par excellence, la colère au sens de l’indignation spinoziste, ou la colère selon Aristote: “celui qui n’est pas capable de se mettre en colère quand il le faut, contre qui il le faut, et pour les raisons qu’il faut, a une âme servile”… Je trouve cela magnifique. Et je voudrais essayer d’articuler précisément ces deux…
Olivier Abel : Mais tu as besoin aussi de la pitié comme passion politique en même temps que la colère?
Myriam Revault d’Allonnes : En même temps. Absolument. Comme passion politique. Mais à condition là encore de faire le même type de travail sur la pitié que celui qu’il faudrait faire sur les droits de l’homme: ne pas donner à la pitié un fondement uniquement moral, compassionnel, mais faire de la pitié quelque chose qui fonde la reconnaissance de l’humanité dans son ensemble, la reconnaissance du semblable.
Olivier Abel : A travers le différent…
Myriam Revault d’Allonnes : Oui, c’est justement très difficile à articuler. Rousseau parle beaucoup de la pitié dans les termes d’une anthropologie fondamentale, et puis quand il passe à la théorie des institutions, il ne parle plus du tout du contrat social. Je voudrais essayer de résoudre ce problème.
Olivier Abel : Je pense que chez Rousseau, la notion de volonté générale est une notion à ramasser, à rouvrir… Elle s’est peu à peu appauvrie, on ne voit plus le fait que c’était à ce moment-là comme une métaphore chargée de plein de choses, qu’il avait du mal à formuler lui-même ..
Myriam Revault d’Allonnes : Tout à fait, et qu’il avait du mal à raccorder à la question de la représentation: c’est quoi la représentation? Qu’est-ce qu’on représente? Qu’est-ce que nos hommes politiques représentent? Il faut qu’ils nous permettent d’apparaître. Mais est-ce qu’ils permettent au représenté d’apparaître? La nouvelle démocratie représentative, pour qu’elle soit véritablement représentative, il ne faut pas qu’elle dissimule les représentés au profit des représentants. Il y a peut-être là des choses à élaborer, déficientes dans la tradition française, qui sont de l’ordre des pouvoirs intermédiaires. Plutôt que de mettre face à face l’État et les citoyens, l’élaboration des pouvoirs intermédiaires permet aux citoyens d’apparaître à divers niveaux.
Ce qui est très difficile en ce moment, c’est que le repérage lui-même est très difficile, parce que les catégories traditionnelles avec lesquelles nous avons fonctionné jusqu’à maintenant ne marchent plus… Il y a des choses qui fonctionnent encore, mais il y a des catégories d’analyse qui ne fonctionnent plus, ce qui fait que quand quelque chose se passe on ne sait pas où le situer. Je prends un exemple: les grèves de décembre 1984, on ne sait pas ce que c’est, on a été incapable de dire ce que c’était. Cela ne ressemblait à rien de ce qu’on connaissait déjà, on ne pouvait pas le faire rentrer dans une catégorie, on ne pouvait pas dire que c’était uniquement du corporatisme… on ne savait pas si c’était ou non politique… mais on sait que c’était très intéressant!
Olivier Abel : Peut-être pourrait-on faire l’analogie avec ce que dit Kant de la sympathie du public prussien pour la Révolution française. Il y une sympathie qui était elle-même sympathique, même si la chose n’était pas forcément très sympathique pour tout le monde!
Myriam Revault d’Allonnes : Voilà. Et même si la chose n’était pas forcément reproductible telle quelle. Parce que c’est cela qui est étonnant: non seulement on n’arrive pas toujours à désigner l’événement politique, à le nommer, mais il ne se reproduit jamais tel quel, il n’est pas reproductible.
Olivier Abel
Myriam REVAULT D’ALLONNES, Le dépérissement de la politique. Généalogie d’un lieu commun, Paris: Aubier, 1999. Professeur à l’Université de Rouen, elle a également publié des travaux sur Montesquieu, Spinoza, Arendt, et Ce que l’homme fait à l’homme. Essai sur le mal politique, Paris: Seuil, 1995 (Champs, Flammarion, 1999).
Publié dansAutres Temps n°66 été 2000, p.83-90