Les « Toute protection contre un mal nous met sous la dépendance de ce mal », écrivait vers 1840 le philosophe américain Emerson. C’est la question que je me pose vis à vis de
Sarkozy. Il nous protège du Front National en nous plaçant sous la dépendance de ses grands thèmes, de l’insécurité, du repli nationaliste. Il y a cependant chez lui une capacité à déplacer la question, et c’est un libéral, comme on le voit sur les questions religieuses autant que sur les questions économiques. Mais si on ne veut pas de la nouvelle alliance qui se dessine, dans tant de régimes de la planète, entre un libéralisme économique et un autoritarisme politique, il faudrait aller beaucoup plus résolument vers un véritable libéralisme politique. Et là je pense que Sarkozy ne veut pas aller jusqu’au bout de la grande « réforme » qu’il préconise. C’est pourquoi il risque de nous planter dans une situation durcie et manichéenne. On peut cependant faire un rêve : c’est que Sarkozy, comme De Gaulle face à l’événement, trahisse sa majorité et prenne le virage radical que nous attendons des politiques. Celui d’une prise en compte enfin sérieuse des menaces climatiques, de l’épuisement des ressources, de nos impasses énergétiques, et des guerres que tout cela prépare, notamment dans l’opposition entre un Nord barbare d’excessive puissance et un Sud barbare d’excessive faiblesse. C’est à nous de faire sentir l’imminence de l’événement qui décidera, quel que soit le Président, le changement de cap à accomplir.
Olivier Abel
Paru dans, Témoignage Chrétien, n°??