Roger Parmentier m’avait adressé une lettre demandant à Paul Ricœur de l’autoriser à reprendre le texte de sa fameuse conférence sur l’herméneutique donnée à la pastorale nationale de janvier 1990. C’est en sortant de chez moi pour aller déjeuner chez Ricœur que je la trouvai dans ma boite, et c’est la lettre en poche que je reçus l’appel urgent me prévenant qu’il venait d’être trouvé mort dans son lit, comme endormi. Paul ne pouvant plus répondre, j’ai pris sur moi d’accepter cette demande, en mémoire de cette grande conversation des interprétations dont Ricœur a toujours été l’artisan. Je voudrais seulement rappeler ici que dans ses seconds essais herméneutiques, intitulés Du texte à l’action (ils se trouvent en collection de poche), Ricœur montre que c’est en passant par l’imagination que le texte fait agir, en refigurant un sujet capable de sentir et d’agir, dans un monde susceptible d’être senti et agi. C’est un des points de proximité de Ricœur avec l’idée d’une interprétation actualisante. Et c’est aussi l’idée que l’interprète, comme un musicien interprète sa partition en lui arrachant des accents inédits, est tourné vers l’aval du texte, et considère le monde que le texte lui montre, le monde vers lequel il s’apprête à redescendre. Tout lecteur fermant son livre est ainsi comme Moïse descendant du Sinaï, et revenant au monde commun comme un monde encore inaperçu.
Olivier Abel
Juin 2005