S’il faut prêter sa voix
S’il faut prêter sa voix à une cause commune, je voudrais ici nommer les sans domicile fixe, que je vois comme les témoins de notre échec collectif : les survivants sortis des camps de concentration, jadis, on s’est empressé de les accueillir, de leur faire place — il est vrai qu’on n’avait alors pas des standards de vie si exigeants qu’aujourd’hui. Mobiliser toutes les énergies, tout notre soin, depuis l’échelon du local le plus proche jusqu’à l’échelle nationale, pour replacer la possibilité pour tous d’habiter, de cohabiter, de partager nos espaces, serait donner à notre société un projet constructif et généreux. Les SDF ne sont que la partie émergée de l’iceberg : notre société d’ultra communication, d’ultra solitude, oublie que nous sommes d’abord des corps vulnérables. Bien de nos contemporains n’habitent déjà plus, enfermés chez eux comme dans une bulle, ou enfermés hors de chez eux, incapables d’accueillir. Plutôt que de laisser détruire les paysages naturels et humains, nous devons repartir de ce qui est juste là, à portée de notre main, de notre écoute.
Olivier Abel
Publié dans Réforme, mai 2012