« Croire, c’est quoi ?»

Comme c’est ennuyeux d’être obligé de dire “je crois” ou “je ne crois pas”, d’être ou dedans ou dehors ! Mais je vois que vos réponses sont aussi ouvertes que la question.

Certes autrefois on était trop crédules, et les philosophes des Lumières (Bayle, Voltaire, Diderot…) ont su introduire un peu d’esprit critique. Mais aujourd’hui, ne doute-t-on pas un peu trop de tout ? Pourquoi disqualifier tous les croyants, comme si aucun n’était crédible ? Nos sociétés ne reposent-elles pas sur des croyances quasi-religieuses, celle de l’argent par exemple, ou celle qu’il y aura toujours une solution technique pour nous sauver ?

Tous les humains ont besoin d’espérer : que le monde peut changer et que rien n’est jamais fini, que d’autres naissances sont possibles, par delà le deuil, d’autres bonheurs. On n’est pas obligé de croire en Dieu pour ça ! De l’autre côté, la foi n’est pas éloignée du doute, au contraire, et on est d’autant plus libre de douter de tout que l’on a confiance.

Croire, c’est faire confiance en sa propre parole (“Moi, je me tiens là. Voilà ce qui m’anime”). Mais en quoi suis-je crédible ? Il s’agit d’être sincère, de ne pas dire plus qu’on ne croit, et d’être sensible à la sincérité des autres. Sinon, on risque le fanatisme ou le mensonge, qui ruinent la confiance.

Impossible d’avoir de l’estime pour sa propre parole sans faire crédit à la parole d’autrui, et accepter d’être touché par sa parole. Une même réalité peut être perçue autrement. Cela a bien sûr un côté tragique, mais c’est aussi source de sagesse.

Les religions ne sont pas des “machines à croire”, des dogmes. Ce sont plutôt des formes de vie qui donnent une cohérence aux paroles et aux actes. Comme si tout dans ma vie se rapportait à quelque chose que je ne peux pas entièrement expliquer, et dont je ne peux pas changer comme de chemise. Non une démission de la raison, mais une réponse, responsable, à un appel plus vaste.

Paru « Qu’est ce que croire ? Croire, c’est quoi ? » dans Le Monde des Ados n°155, 13 Décembre 2006

 

Olivier Abel
(merci de demander l’autorisation avant de reproduire cet article)