« La confiance »

Il fut un temps où nos sociétés étaient trop confiantes, trop crédules aux grandes histoires dont on les berçait. Aujourd’hui elles sont malades d’un excès de défiance, à l’égard de la politique, du système scolaire, de la médecine, de l’histoire, des églises, des médias, du progrès scientifique, de la nourriture, de tout.

Nous avons au fond une inquiétude quant à la nature même du temps, une insécurité profonde, le sentiment qu’il n’y a plus rien de solide, ni le passé, ni l’avenir. Or les humains ont besoin pour vivre d’un cadre d’apparition plus durable qu’eux-mêmes, d’avoir la certitude d’être précédés dans l’existence par la bonté d’un monde où leurs enfants auront à leur tour leur chance d’apporter du neuf.

C’est l’inverse qui se passe : les échéances démocratiques, par crainte du totalitarisme, nous laissent avec des gouvernances très peu durables, incapables de voir venir les nouveaux périls planétaires, l’épuisement des ressources, les pollutions irréversibles, les guerres de la famine, qui sont déjà là.

Et pourtant ces questions écologiques ne sont pas un luxe de nantis, mais le rappel de la finitude, et de notre vulnérabilité corporelle. En ce sens là nous ne sommes pas dans une crise, avec bientôt la sortie du tunnel. Nous sommes face à un éboulement, un rétrécissement général de nos moyens, de nos normes de vie. Il nous faudra apprendre à vivre avec.

Et c’est là qu’on va avoir besoin de courage, et de repartir de ce qui nous reste : le crédit apporté à la parole d’autrui, de même qu’autrui aussi compte que nous tiendrons parole, et qu’ensemble nous sommes responsables du bien commun. La confiance dans la bonté du monde, qui refuse l’idée que chacun pourrait se sauver tout seul, comme pour s’évader d’un monde d’avance condamné. C’est cette exigence mutuelle qui nous oblige à trouver moyen de cohabiter, avec ceux qui sont là, comme un nouveau pacte.

 

Olivier Abel

édito Présence protestante avril 2012